Les quelques deux ou trois de mes lecteurs nés avant la Première Guerre, du Golfe, se rappelleront sans peine ce joli coup éditorial de notre Libé chéri d'alors : "Vive la Crise "... en février 1984... Et oui tout cela nous rajeunit ! De la télé-réalité avant l'heure (coup monté avec Antenne 2 et les Editions du Seuil) : un vrai-faux journal (présenté par Madame Ockrent) envoyé juste après la pub, qui elle-même clôturait la demi-heure cathodique sérieuse du 20 heures, un vrai-faux journal qui annonçait donc allongement de la durée du travail, de l'age de la retraite, augmentations en tout genre, histoire de nous mettre tous au régime sec. Et pour longtemps, parce qu'on avait trop tiré sur la corde, qu'on profitait tous indûment d'un système trop généreux. S'ensuivait une bonne heure d'interviews, avec Montand en Mister Loyal (grandiose !), qui nous annonçaient de façon presque enjouée que le monde que nous avions connu était fini, qu'il fallait penser autrement, que c'était une crise dans laquelle il fallait être opportuniste et que du mal sortirait du bien et que patati. Et surtout patata. Serge July en faisait une première tartine en édito : la crise est partout, c'en est même une "expression de manière aussi
cancéreuse", c'est "parce que nous sommes en train de vivre l'une des époques charnières de notre histoire de l'humanité où une civilisation succède à une autre, où de manières de vivre, de voir le monde et de le comprendre, de travailler, d'aimer et de mourir, de désirer et de déprimer sont mises en pièces par un bouleversement général de tous ordonnancements". Diantre ! ... Et de conclure en nous invitant à "apprendre à domestiquer la crise", "la crise est notre destin et son horizon est planétaire". Re-bigre.