C'est le titre d'une brève de Libération parue le 28 juillet dernier. Extrait : "A quoi rêve un Anglais pendant une réunion ? Au sexe, à la bouffe et aux voyages pour 80% des 4000 employés et cadres britanniques interrogés par SkyTV. Chacun d'entre eux passe en moyenne 150 heures par an en réunion, laquelle peut parfois durer plus de 3 heures. Mais la concentration moyenne des travailleurs n'excède pas 23 minutes."
Merci Libé de nous rappeler ces faits scientifiques, avérés depuis des lustres mais visiblement oubliés de tous les organisateurs de ces réunions totalement improductives. Enfin pas totalement oubliés sinon comment expliquerait-on la débauche de moyens de mise en scène pour capter l'attention d'un public "obligé" d'être présent (alors que de toute évidence la plupart voudrait être ailleurs). Citons pour mémoire l'avalanche de bons mots, les citations, la débauche de PowerPoint plus ou moins bien maîtrisés (autant sur le fond que sur la forme), la métaphore douteuse, l'analogie contre performante (combien de fois Tintin ou Astérix ont-ils été appelés au secours d'une présentation vide de sens ?), la star des médias ("C'est Machin qui est venu animer la table ronde, Machin est une star de la télé, donc l'entreprise qui se paye Machin est vraiment forte"), le dessinateur qui croque la présentation en direct (d'ailleurs sa présence a été "vendue" à grands coups de "éclats de rire garantis"), l'activité sportivo-ludique ("le jonglage, le chant choral ou autre, c'est amusant cinq minutes mais pourquoi ma boite m'apprend-elle le jonglage ?" Bonne question qui restera sans réponse), le lieu toujours plus inattendu, insolite mais tellement chic (le château, le musée, l'hôtel avec plein d'étoiles...).
Tout cela est bien joli, reste que le rapport coût total/gains escomptés n'est que très rarement calculé. Et pour cause, puisque aux charges directes liées à la réunion proprement dite s'ajoutent les coûts indirects (le prorata du salaire de chaque participant, dirigeants compris !, le temps de préparation, le temps passé ici sans être à son poste de travail etc.). L'addition est salée et le tout sans retour sur investissement aucun, ni immédiat, ni à terme. Il est même probablement inverse.
Alors pourquoi diable, nous comme nos collègues britanniques, continuons-nous à penser à autre chose de plus agréable au bout des fatidiques 23 minutes ? Osons quelques réponses. La première est classique : on a toujours fait comme ça, c'est un rite. Superbe, on est dans la tant glorifiée "culture d'entreprise" et hop, joker, on ne peut rien changer. (C'est faux). La deuxième était très mode : il faut renforcer le sentiment d'appartenance. Louable, mais pourquoi donc tant de cadres débarqués parce qu'on recherche l'organisation parfaite ou que les résultats n'arrivent pas assez vite ? (La déloyauté est la règle). La troisième est dite ainsi :c'est l'occasion pour le patron de motiver ses troupes, montrer les challenges de la rentrée etc. Ce qui signifie en fait : l'ego du patron est hyper développé, il veut briller, il veut montrer son pouvoir. (Le comportement attendu, le réflexe de survie, est "sois bête et tais-toi"). La quatrième est dans la fantasmagorie du dirigeant : je ne veux voir qu'une seule tête, pas un bouton de guêtre qui manque, les entreprises qui durent ont une discipline de fer etc. Il y a une confusion fatale : discipline oui, dans l'action et la mise en oeuvre des décisions mais après réflexion collective quand l'intelligence de toutes et tous est sollicitée. (OK, on est des bons soldats disciplinés, mais pas plus de 23 minutes). Si vous connaissez d'autres raisons qui justifient cette contre productivité patente, n'hésitez pas à compléter la liste.
Alors quoi faire ? La question est angoissante alors que les orteils prennent l'air en éventail et que le vent léger porte les embruns salés. Oui ces réunions ("ré-unions" devrait-on d'ailleurs dire plus souvent) sont nécessaires. Utiliser à fond l'intelligence collective (rendez-vous compte : les meilleurs cerveaux sont là), diffuser toute l'information avant et non pendant (déjà ce faisant vous marquez des points dans votre échelle de leadership), provoquer le dialogue (faites le pari de la franchise mais sachez gérer l'énergie des participants), analyser ensemble une situation donnée (et sans monologue), élaborer des scénarios, comprendre de façon très détaillée comment telle affaire a été gagnée (pour le reproduire partout) ou telle autre perdue (pour corriger partout ce qui doit l'être). Nous y reviendrons dans d'autres notes. Mais promettez-moi une seule chose : faites votre réunion de rentrée sans Powerpoint !
Si je peux me permettre, à la question "Alors quoi faire?" je répondrai : ne pas travailler !!! J'en ai vécu des réunions de ce type et m'y suis endormie (pour de bon). Ce n'est qu'une facette des abérrations et de l'hypocrisie qui existent dans le monde de l'entreprise. Voilà pourquoi je retourne au travail à reculons.
Je préfère passer 3 heures à labourer un champ et mesurer au final ce qui a été fait
que de passer le même temps à prendre l'air inspiré en réunion en rêvant au dit champ...
Rédigé par : Marianne | 23 août 2006 à 16:58