Avec les extrémités de son index et de son pouce droit qui se touchent et qui coulissent le long d'un cylindre imaginaire, notre Majesté Nicolas Ier l'a dit il y a une éternité de 15 jours au moins : les parachutes dorés, c'est fini ; le capitalisme sans morale, c'est fini etc. Tout ça en lisant bien ses notes (mais bon Dieu qu'on lui donne un prompteur !). Quand Nancy Pelosi a présenté la V1 du plan Paulson en tant que Speaker of the House quelques jours après, elle a dit "it's over". Nicolas Ier a du dire à tout le monde "eh, prem's, j'l'avais dit en prem's, elle me copie". On a eu droit à un déferlement de sanctions définitives, de menaces terrorisantes, ils allaient bien voir qu'on allait "régler leurs comptes à ces zouaves de la finance" disait Monsieur Carrez, rapporteur général de la Commission des Finances (in le jidédé du 5 octobre). Faut dire que le 21 septembre le même jidédé nous avait trouvé son expert zozo de service, pour lui "la crise financière était finie" à cette date. Il a remis ça aujourd'hui pour nous expliquer que le plan Paulson a juste du retard à l'allumage.
La loi finalement votée par le Congrès Américain et qui s'appelle "TARP" pour "Troubled Asset Relief Program", va nous remettre tout ça en marche. Et qu'il n'y a qu'à garder la tête froide et faire comme Warren Buffet, mettre tous nos milliards sur la table et acheter maintenant que les prix sont massacrés. C'est sûr, si j'avais un ou deux milliards d'euros, je m'amuserai bien... On rit encore sous cape quand on nous narre la rencontre à l'Elysée "au plus fort de la tourmente financière" (au juste, vous avez apprécié comment les médias ont enrichi notre vocabulaire pour nous inculquer les synonymes de "crise"), sa Majesté qui fait la leçon au gratin français de la finance, "vous vous êtes perdus dans les produits dérivés et vous avez oublié le seul métier que vous devez faire : celui de la banque de dépôt". Grand stratège en vérité. Même le Flamby de droite, Monsieur Bertrand, a trouvé son bon mot "on trouve des centaines de milliards en quelques jours pour sauver la finance et rien en une décenie pour éradiquer la faim dans le monde : c'est parce que le monde marche sur la tête." Trop fort ce Xav', il mériterait d'être Premier Ministre.
Je trouve cela magnifique. Des décennies après Bretton Woods, qui a marqué le début de la fin de l'impuissance grandissante des pouvoirs politiques dans la régulation de l'économie, voilà que tous les élus se précipitent pour saisir la perche tendue par l'actualité. Colbert, Keynes et tous les grands interventionnistes sont ressuscités : ils vont bien voir ce qu'ils vont voir tous ces patrons à la fortune insolente. On va leur montrer comment qu'on gère, comment qu'on est viré quand on est pas successful et comment on montre sa probité à force de chartes signées et d'engagements publics assénés. A tout le moins, ces "grands patrons" tant fantasmés sont polis. Pour l'instant, ils se taisent. En 2010, on en reparlera.
Je ne vais pas en rajouter sur les explications et les analyses, historiques (Braudel déjà), politiques (même que le PS devrait annuler son Congrès, on tremble), économiques quand même (Mme Parisot a juste dit "qu'elle ne venait pas de la finance"). Juste pointer vers l'excellent hebdo protestant Réforme, dont l'interview de Philippe Dessertine nous dit "Il nous reste à gérer la catastrophe financière". Parce qu'il nous donne un pourquoi qui fait réfléchir et trace maintenant du sens pour demain. Point 1 : on était en récession depuis plusieurs mois. Point 2 : les déficits publics dans le monde occidental, les USA étant les plus voraces, sont la seule raison de la création de cette bulle spéculative.
Comme on dit à Pékin, en période de famine, les riches gros vont maigrir et les pauvres maigres mourir. Same player shoot again.
En vignette : Colbert en grande tenue.
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