Suicides au Technocentre Renault à Guyancourt. Trois. Dont deux sur leur lieu de travail. En quelques semaines. La Direction s'est fendue d'un communiqué repris sur le site du Nouvel Obs "Nous sommes très attristés par ce troisième décès et ce nombre de cas de suicides nous pose beaucoup d'interrogations et renvoie chacun à sa part de responsabilité" a déclaré la direction de Renaud à l'AFP (rien de disponible sur le site corporate de Renault). La responsabilité "aussi bien du management de proximité qui a un rôle essentiel auprès des équipes pour détecter les personnes en difficultés, que (celle) des médecins du travail qui sont extrêmement alarmés malgré la mise en place de l'observatoire d'évaluation du stress" dans l'entreprise, a ajouté Renault. Toutefois, a poursuivi la direction, ce drame "survient dans un établissement où les conditions de travail ne sont pas les plus difficiles".
La coquille sur "Renaud" tient sans doute de l'acte manqué. Mais que cela ne nous détourne pas de la terreur mortifère dont il faut dénoncer les ravages dans la plupart des organisations en Europe. J'ai entendu une estimation du coût du stress au travail : 3% du PIB des 12 pays fondateurs de l'Union Européenne. Des directives sont en préparation à Bruxelles. En France, la Loi de Modernisation Sociale écrit clairement la responsabilité des dirigeants en matière de stress au travail. D'autres indicateurs, plus ou moins "scientifiques" (la consommation des médicaments, l'absentéisme, les sondages donnant une majorité de cadres inquiets pour leur avenir...), convergeront vers le constat où l'ignorance n'est plus possible.
Je ne vais pas encore déverser mon fiel sur les Ressources Humaines et leurs dirigeants. Vous apprécierez juste, ici, dans leur communiqué :
- Renault a un observatoire de Gestion du stress,
- Chacun est renvoyé à sa part de responsabilité (le bien nommé management de proximité et le médecin du travail),
- Qu'il fait bon travailler au Technocentre.
Sur les deux premiers points, j'espère que l'on est allé plus loin que ces deux phrases parapluie digne des plus catastrophiques bureaucraties. J'espère que l'on cherche, à la direction de Renault, à savoir pourquoi les deux rouages en question n'ont pas fait leur boulot. Sur le troisième, il est vrai qu'il est bien joli le Technocentre : au diable vauvert, avec des étangs, leurs canards laqués et sans doute des carpes royales du Japon. Pareil pour l'intérieur. Mais pourquoi cette impression lugubre à chaque fois que j'y ai mis les pieds vers la fin des années 90 ?
Toujours sur le site de l'Obs, je vous invite à la lecture des commentaires, notamment celui du vendeur de terrain... Edifiant.
Sans contester sur le fond la portée des changements voulus par Carlos Ghosn, il m'apparaît que le facteur humain a été négligé, voire méprisé. Mauvais calcul à court, moyen et long terme. Un dirigeant de Renault me disait un jour, en riant jaune, qu'il fallait être tri-lingue pour réussir chez Renault. A savoir "parler couramment français, anglais..." et "japonais ? dis-je". "Non, parler couramment langue de bois !"
Dire que Renault avait, il y a dix ans, signé des "Accords à vivre" corrollaire des "Voitures à vivre" que l'entreprise vendait alors. Mais Louis Schweitzer n'avait pas été couronné manager de l'année, lui. Carlos Ghosn, si : il a bonne mine maintenant.
2000 personnes hier samedi 24 février au Technocentre, en solidarité avec les familles. Juste une brève, les journaux sont là aussi terriblement muets. Parole mortifère, vous dis-je.
Illustration : Karoshi sur Do the Dog Music
Je ne sais plus où j'avais lu ou entendu ça à l'époqe où GHOSN était PDG de NISSAN : au dessus de lui derriere son bureau, il y avait un petit panneau "I'm a killer". C'est peut être faux, mais ça sonne étrangemrnt "juste" (avec des grosses guillements) aujourd'hui.
Denis
Rédigé par : denis | 26 février 2007 à 09:21
Je crains juste que Renault n'inaugure une triste série que d'autres compagnies vont compléter ! Après "7 morts sur Ordonnance", on risque de voir "7 morts sur Finance" se jouer ! C'est bien connu, tailler dans les effectifs est toujours plus facile que s'attaquer à la véritable racine du problème ! L'icône Ghosn serait-elle en train de vaciller ?
Rédigé par : Olivier | 01 mars 2007 à 18:58