Il voulait avoir des accents gaulliens, Monsieur Devic, président d'Intersud et on sentait qu'il y mettait du sien. Pensez donc : il est à Bordeaux, le lundi 18 juin, il annonce son appel du même nom "la stratégie à 10 ans pour la Région Languedoc-Roussillon". Le premier vignoble producteur de vin, en volume, nous fait un grand numéro de claquettes : Sud de France/South of France est né et vous allez voir ce que vous allez voir. Petite prise de recul.
Au départ un bon constat : quatre organisations viticoles d'une même région doivent résoudre les mêmes problèmes et arrivent aux mêmes solutions avec la même carence de moyens pour les résoudre. Les AOC du Languedoc, les Vins de Pays d'Oc, les AOC du Roussillon, les Vins de Pays du Languedoc Roussillon s'unissent, créent Inter Sud pour organiser "la production, le marketing et les ressources collectives". Ensuite, une bonne chose : les égos sont rangés comme les couteaux, on se met au travail. Déjà une bonne idée : on prend des consultants et pas que des Français (pour comprendre le marché US ou UK ou tout simplement le marketing), donc Wine Intelligence, Merrill Research Sopexa et les amis d'Ernst&Young. Et de faire mouliner tout cela pour une réflexion stratégique qui n'a sans doute pas beaucoup d'équivalent dans la filière. Comme déjà vu par ailleurs, c'est la stratégie d'une marque ombrelle qui est retenue. Ce sera Sud de France ou South of France pour l'export. Soit. Je pense que Sud de France marchera fort aux USA, ou même en UK, les uns et les autres ne mettant pas le même sud à cet endroit mais qu'importe, on fait dans l'OPA géographique. Les Anglais penseront Sud-Ouest, les Américains la Provence chère à Peter Mayle. D'ailleurs ces mêmes Suds doivent l'avoir un petit peu amère...
South of France, cette marque commune, bien balisée par les études, servira de bannière et d'identification en grande distribution (des expériences de rayons communs sont en cours) et de marketing interne aux quatres organisations. Et on verra même des "innovations". Bigre, on verra tout, donc. Commercialement parlant, pas de miracles (tant mieux on en a tellement attendus dans cette filière) mais une concentration sur les marchés en croissance et à fort potentiel : USA-Canada, Allemagne-UK-Bénélux-Japon. Jusque là pas d'erreurs, pas d'oubli, pas de fantasmes. Une dernière bonne idée : lever des fonds pour financer le tout et atteindre une part de voix qui fera un jour des parts de marchés. Et là, bingo, 15 M€ par an, pendant 3 ans minimum (la stratégie est rappelons-le sur 10 ans). Avec une équipe de 20 personnes et un comité d'experts internationaux. Super, tout y est.
Doit bien y avoir un truc qui cloche quelque part, c'est la loi de tout système. A la réflexion, j'en vois deux, voire trois. Le premier, pour l'anecdote, Sud de France est vite devenu "SdF" dans les powerpoillontes : l'association "SdF-vin" n'est pas glorieuse pour la marque. Le deuxième est que le marketing est une pratique de conceptualisation tout autant que d'exécution : la belle idée "South of France" est pauvrement mise en image par la représentation actuelle, cette calligraphie manuelle fait cheap pour le marché US notamment, surtout quand la tag-line dit "the New French Style". Le troisième truc qui cloche ? Chut, secret, trop explosif.
Tu dis "on a tout". A mon avis il manque quand même un mot : qualité. Ah, pardon, c'est fait pour vendre, pas pour boire.
Rédigé par : Patrick | 26 juin 2007 à 16:38
Je ne sais pas si ce mot manque vraiment. En fait la notion de qualité m'emmerde beaucoup dans le domaine du vin, elle a permis de vendre tellement de trucs que je n'aime pas et n'aimerai jamais. Je préfère m'en remettre à "j'aime" ou "j'aime pas" et certains en Languedoc font de vraies merveilles.
Rédigé par : alain laufenburger | 26 juin 2007 à 18:22