Tintin est mon héros favori. De "Tintin chez les soviets" à "Hergé fils de Tintin" par Benoit Peeters (éditions Flammarion), je n'ai aucune peine à dire que j'en adore tout. C'est donc à "L'oreille cassée" que j'emprunte cette réplique de Ramon, petit malfrat à la manque, qui manque Tintin de son coup de couteau pour atteindre un régime de bananes. Las, pour le Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux, il en est de même. Même pas sûr que ce dernier ait touché le régime de bananes. Parce que, justement, la dernière campagne de pub du CIVB, c'est du caramba et c'est encore raté !
C'est évidemment mon cher quotidien Sud Ouest qui nous présente, avec forces louanges "Démystifier Bordeaux" (mais n'est pas Sud Ouest qui veut...), LA nouvelle campagne collective des vins de Bordeaux.
Remettons les choses dans leur contexte pour bien comprendre les enjeux de cette campagne :
- la filière dans son ensemble est en crise ; pour certains vignerons, la situation est même gravissime. Coûts de production largement supérieurs aux prix du marché (tout le monde le sait depuis 2002 au moins), ventes en baisse à l'export sur tous les marchés, même historiques (Europe du Nord par exemple), donc prix de vente en baisse. Relancer la consommation de vins de Bordeaux ne peut donc que contribuer à inverser cette tendance observée sur du long terme.
- depuis l'abandon de la campagne des noeuds paps (elle était mignone mais a mal vieilli), l'appellation Bordeaux se cherchait un nouveau souffle (la campagne a duré 15 ans nous rappelle Sud Ouest). On a eu droit à une campagne de portraits magnifiques de joyeux vignerons & vigneronnes, joyeuses négociantes, véritables figures de mode, photographiées comme il se doit par un vrai photographe de mode, François-Marie Perrier. Zut, il avait un nom d'eau minérale, cela aurait dû mettre la puce à l'oreille des décideurs... Et pourtant, j'aime, là aussi, tout du bonhomme, son art, sa manière et son histoire.
- l'interprofession a toujours mal vécu la cotisation CIVB depuis les années de crise (grosso modo depuis 98-99). La pub "Bordeaux" a toujours, légitimement, fait l'objet d'espoirs de lendemains meilleurs et ne les a jamais satisfaits depuis lors.
Alors quoi ?
Le positionnement de la campagne actuelle basée sur la notion de "Château" tombe à côté de la problématique. Sans doute parce que les créatifs ne sont pas du cru, toujours est-il qu'ils ne savent pas que la notion de "château" est particulièrement contestée puisque personne ne sait dire avec précision le nombre exact de véritables châteaux existant dans l'appellation Bordeaux : la vérité est probablement dans un nombre de châteaux fantomes au moins aussi important que le nombre de châteaux réels. Fantomes et châteaux ne vont bien ensemble que dans les contes pour enfants...
Ce terme même de "château" est spécifique à Bordeaux, certes, mais comment peut-il être un avantage concurrentiel face aux domaines des autres appellations ou aux marques mondiales de la Rioja, d'Australie ou du Chili ? La réponse est : il ne peut pas en être un.
Donc rien sur la spécificité d'assemblage du bordelais, rien sur la richesse des terroirs, rien sur l'histoire séculaire du vin dans cette belle région. Et bien tant mieux ! Il vaudrait mieux parler de la joie de consommer finesse et richesse de ces produits, fruits du travail d'hommes et de femmes, de leur savoirs immémoriaux, que tout le monde nous envie, et que les professionnels revisitent, questionnent, interrogent comme Mondovino l'a rappelé à tout le monde.
Comment en est-on arrivé là ? C'est triste mais assez simple. Pour avoir recueilli les dires d'un professionnel ayant participé à la consultation d'agences (un professionnel du côté opposé de la table de réunion, non membre du CIVB donc), la première des raisons est le faible niveau de compétences sur le sujet du marketing et de la pub.
Ce même faible niveau interdisant les décideurs-élus d'écouter le niveau de leurs opérationnels (si tant est qu'oeillères et jeux de barbichettes puissent être abandonnés), on en arrive tout naturellement à la plaie absolue de toute réflexion publicitaire : un mauvais brief !
Et comme le dit la très vieille loi de la pub : mauvais brief = mauvaise campagne. Pour être tout à fait explicite, ajoutons : mauvais brief = mauvaise campagne = mauvais résultats. CQFD.
Alors quoi faire ? Avoir de l'idée, du courage, de l'audace... laisser vivre une idée au moins 5 minutes avant de sortir le fusil : certes, cela pourrait être sympathique. Ce qui serait efficace serait de changer le fusil d'épaule : de la pub oui, mais avec une équipe qui a compris le produit, qui est issue de la cible visée et qui n'oublie personne en route. Pour mémoire, les dernières choses entendues dans la filière font frémir : on peut sortir de l'école hôtelière de Talence (à 10 minutes en tram du centre de ... Bordeaux) et n'avoir jamais eu droit à un cours de présentation/service d'un vin de Bordeaux mais apprendre tout cela à Miami au cours d'un stage via un négociant... américain de vins... australiens.
Las, le journal Sud Ouest nous promet d'autres révélations, une campagne plus créative pour l'hexagone, les Etats-Unis et le Japon. Ouf, tant mieux, on a eu peur de rester sur cette première impression. Comptez sur moi pour en parler, surtout en bien !
J'en rêve !
PS : en attendant, je voudrais bien vous montrer les visuels de la campagne... mais où les trouver ? sur le site Internet préhistorique du CIVB, hélas non (non, l'adresse n'est pas civb.fr mais www.vins-bordeaux.fr/)... Encore aurait-il fallu concevoir une campagne intégrant tous ces médias.
Bravo pour ce pamphlet auquel je suis arrivé via le blog de Jacques Berthomeau (je suis membre du club sans-interdit). Dire que je partage votre avis est un euphémisme.
Si vous souhaitez les visuels de cette campagne perdue d'avance (faite comme il se doit par une grande agence parisienne bien chère et ayant pignon sur rue) je vous conseille le cahier central de Paris Match de la semaine dernière consacré au foire aux vins.
Vous verrez cela va au-delà de ce que vous pouvez imaginer.
Quand au noeud papillon je ne partage pas votre avis
. D'après mon ami Bernard Yon, grand maître du marketing agro-alimentaire français c'est ce que l'on appelle une fausse bonne idée... car déjà à l'époque (fin des années 80) le noeud papillon n'était plus vraiment porteur.
Rédigé par : Dulau | 22 septembre 2006 à 15:00
bonjour, merci pour votre commentaire. Hélas je ne lis Match que chez mon coiffeur, j'ai donc raté les visuels. Le problème du coût du travail de l'agence est à rapprocher de la valeur produite : de grandes agences peuvent faire un très bon boulot qui développent les ventes. Pour le noeud pap, à chacun ses gourous, l'un des miens, en l'occurrence Mac Luhan, dit bien qu'un message est un massage. Plus on le répète, plus il est mémorisé et donc plus il déclenche de l'achat. En l'occurence si le noeud pap était "out", il est devenu, grâce à la longévitité de la campagne, une partie de l'identité de la marque "Bordeaux". Il faut par ailleurs se rappeler du contexte euphorique des années 90 qui paradoxalement n'a provoqué aucun changement dans la communication de l'interprofession... (à suivre)
Rédigé par : laufenburger | 26 septembre 2006 à 10:48
Je ferai référence à votre chronique dans mon blog de jeudi. Pourriez-vous me renvoyer un message sur mon mail car j'ai scratché le votre parinadvertance merci
jb
Rédigé par : Berthomeau | 26 septembre 2006 à 17:45
Merci à Jacques Berthomeau pour l'adresse de votre blog.
Les bras me sont sont tombés de dépit lorsque j'ai entendu l'énoncé de cette campagne. Complètement anéanti par l'aveuglement de ces décideurs-élus.
Comment peut-on en arriver là?
le bordelais boira donc la coupe jusqu'a la lie!
Rédigé par : REGIS | 28 septembre 2006 à 09:44
Juste un petit mot concernant votre commentaire sur le site du CIVB. Je tiens effectivement à signaler qu'il nécessite une petite mise à jour sachant que les dernières nouvelles de "quoi de neuf? La presse en parle" l'actualité c'est arrêtée le 22 avril....
Rédigé par : LASSALA | 29 septembre 2008 à 17:25
juste pour vous dire, le bordelais c'est notre fierté a nous tous, tous les français partout dans le monde y'a pas de vin de table qui peut rivaler avec le bordelais :)
Rédigé par : bordelais | 04 août 2009 à 21:33