La date du 1er juin 2006 sera vite oubliée. Mais pour les salariés du groupe France Telecom, ce fut la fin d'un long processus marqué par la lettre O. O comme Open, mot-clé d'une vaste campagne menée en interne pour annoncer la fin de Wanadoo et la nouvelle dimension d'Orange. Cette décision s'imposait-elle ?
Pour le client de l'un et de l'autre, répondre oui n'est pas évident. Les raisons rationnelles sont un peu courtes : un jour (pas celui où le prince viendra, non, le jour d'après), un jour donc nous aurons une seule et unique machine, portable, autonome, facile d'utilisation et tout autant satisfaisante à l'usage pour être connecté au Web, travailler avec, s'amuser avec, maintenir le lien social etc. Un jour, donc.
Pour le gestionnaire de marque, l'enjeu est tout autre. Fallait-il rester pour France
Telecom dans le modèle d'une entreprise de marques (France Telecom pour le réseau fixe, Equant pour le marché professionnel, Wanadoo pour l'Internet Grand Public, Orange pour le mobile etc.) ou devenir une marque entreprise (Coca Cola est le meilleur exemple) ? Ajoutons à l'analyse une mise en perspective. Rappelons le développement rapide de France Telecom peu après la dérégulation du marché des télécommunications. Internet bouleverse tout, France Telecom devient fournisseur d'accès, les télécommunications mobiles explosent aussi sous la marque Itineris. FT s'introduit en bourse, se développe par acquisition sur les principaux marchés européens, notamment au Royaume Uni où l'achat d'Orange, certes coûteux, est brillament mené. La marque est désormais dans le giron du groupe, Hans Snook son fondateur et génie marketing restera quelque temps dans ce temple de polytechniciens, pas peu fiers, à juste titre, d'avoir construit en son temps l'un des réseaux de télécommunication les plus performants du monde. Orange puis Wanadoo seront introduits en bourse avant d'en être retirés.
L'intensité concurrentielle est désormais si forte et les ruptures technologiques en cours si proches du marché que le besoin de rationnalisation ne pouvait que devenir de plus en plus aigu. A l'heure des offres convergentes doubles, triples voire quadruples (un client est Orange pour son mobile, sa télé par l'ADSL, son mail et ses outils professionnels), maintenir un portefeuille multi-marques menait à une inflation de coûts marketing vite chiffrés à plusieurs centaines de millions d'euros. L'argument ne suffit pas. Il ne faudrait pas oublier le client, en voie de perdition dans la multiplicité de l'offre technologique tout autant que d'opérateurs multiples, nouveaux entrants sur le marché donc sans la base de clientèle de France Telecom. C'est sans doute à ce niveau que la valeur d'Orange s'est imposée. Voulue depuis sa création par son fondateur comme la marque de l'émotion, de la simplicité et de la proximité, Orange était légitimement cette preuve de confiance pour ses clients.
Reste que l'on imagine sans peine l'apreté des débats dans l'Etat Major de France Telecom (6 mois dit-on) et l'amertume de ceux qui, coincés dans une logique binaire, ont le sentiment d'avoir perdu. Mais pour les autres salariés, passer de Wanadoo à Orange a été vécu comme une énorme opportunité. Orange dans France Telecom est synonyme d'entreprise qui marche, qui a des ressources où tout est plus facile, plus innovant. Et c'est bien là le plus important : le service d'une marque ne peut durablement réussir sans synergie avec ses propres ressources humaines. Synergie ou convergence ? La réussite d'Orange au Royaume Uni fut construite sur une valeur ajoutée dans les services offerts (facturation à la seconde, les SMS etc.). Celle d'Orange aujourd'hui passe par des forfaits à 3 ou 4 dimensions. Et ne marchera que si ses ressources humaines sont les premiers à tenir les promesses de la marque : simplicité et émotion. Tout un programme !
Adieu à Wanadoo donc, merci pour tout et sans regret.
PS 1 : risquera-t-on un pronostic ? Les valeurs de la marque Orange imposeront leurs avantages à un nombre croissant de clients, la convergence des technologies sera réussie : la marque France Telecom disparaîtra pour n'être plus que la raison sociale d'une société cotée.
PS 2 : je n'ai toujours rien compris à la campagne d'affichage de Perrier cet été. L'extincteur 1/3 Perrier, 2/3 Perrier et le triple humide 1/3 Perrier etc... cette marque serait-elle en train de mourir ? Serait-ce la lente agonie d'une marque qui ne s'est jamais remise de l'accident industriel du benzène en 1990 ? Vos avis m'intéressent...
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