Avec 56,24% des votes exprimés, la victoire d'Alain Juppé dimanche soir est jolie. Pas de mystère, ce très bon score traduit une très bonne campagne, très bonne jusque dans le détail et bonne sur le fond. Réunions nombreuses, visibilité maximale, bel emballage publicitaire "Bordeaux à Coeur" : l'homme s'est montré sous un jour nouveau, certes abusant quelque peu de l'anecdote sur les vertus apaisantes du sirop d'érable, mais il est certain que le Québec l'a changé. Pour avoir assisté à quelques unes de ces réunions, j'aimerai revenir sur l'une de ses remarques, bien pertinente en matière de développement économique : l'image de Bordeaux.
Au détour d'une question sur le développement économique de Bordeaux et de son agglomération, une petite confidence d'un candidat en campagne "j'ai assisté ce matin à la présentation d'une étude sur l'image de Bordeaux, encore une, la quatrième en dix ans..." Diable, on peut s'étonner comme Alain Juppé de la récurrence d'études d'image qui très probablement arrivent aux mêmes conclusions du type : Bordeaux a des avantages indéniables que peu d'autres agglomérations ont mais n'a pas su les valoriser. Les études marketing ne révèlent rien, elles confirment ce qu'on savait déjà. On peut aussi s'étonner de l'étonnement d'Alain Juppé, comment peut-on arriver à des prises de décisions dans les organisations locales et territoriales sans étude préalable ? Pour bien faire, elle sera confiée à un excellent confrère consultant et bien menée par une équipe de professionnels. Et après moult présentations on s'apercevra que l'ouvrage restera inachevé : il manquera toujours les décisions de passage à l'acte. Le poids du "faire" avant le poids des mots.
Pour autant la communication de Bordeaux reste un paradoxe rare. Nous avons l'une des notoriétés les plus fortes du monde et notre image reste celle d'une gentille bourgade de province. Si l'on appliquait à Bordeaux les principes de valorisation des marques, nous pourrions aisément démontrer que la marque Bordeaux pèse plusieurs centaines de millions d'euros. Sur les causes de ce paradoxe, je ne m'étendrais pas en explications techniques sur cet état de fait. Idem sur le renouveau, récent, depuis moins d'une décennie, grâce notamment à la reconquête urbaine du Centre Ville de Bordeaux. Mais la route est encore longue pour rattraper des villes, en Europe entière, qui sont passées devant nous en image (Barcelone, Milan, Genève ou Montpellier...). Il y a une autre explication, plus ennuyeuse : Bordeaux ne connaît pas son Histoire et se raccroche à une dynamique viticole en déshérence depuis longtemps. Je reviendrais bientôt sur la parution prochaine d'un ouvrage de référence sur l'Histoire de Bordeaux. On a oublié le Bordeaux de l'Antiquité, du Moyen-Age et celui du XIX ème et du XX ème siècle. On oublie la culture séculaire des échanges commerciaux, du rayonnement culturel mondial au XVIIème siècle et du savoir juridique dont il nous reste une Ecole de Magistrature et une rue de l'Esprit des Lois.
Voilà Monsieur Juppé, il vous appartient de prendre les décisions, d'allouer les ressources et ensuite de laisser faire vos équipes de bons professionnels aux endroits où elles sont. Avec de la constance dans les moyens, les messages, les supports, avec de l'intelligence dans le choix des cibles (mondiales, forcément mondiales), vous pourrez revendiquer d'avoir remis Bordeaux dans la cour des grandes métropoles mondiales.
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