A l'heure où Air France découvre les vertus du modèle low cost en lançant son offre Transavia, observons les récentes célébrations de modèles innovants bousculant autant de modèles dominants a priori indéboulonnables tout autant que contre-performants. Le Prix Nobel de la Paix a été remis à Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank en 1976. C'est d'ailleurs un premier paradoxe : il aurait mérité le Prix Nobel d'économie tant il remet en cause des décennies d'aide au développement du Nord vers le Sud dont on ne peut que constater le manque de résultats.
30 ans plus tard, 6 milliards de dollars de microcrédits ont été distribués à plus de 6 millions de personnes : le taux de remboursement est de plus de 98%. Les anecdotes ont été rapportées ici et là sur les millions de micro-succès où l'on voit qu'avec un micro-crédit de 100 ou 300 euros, une entreprise se crée, des ressources sont générées par la valeur créée sans compter la dignité retrouvée de ces hommes et femmes (surtout des femmes d'ailleurs) enfin responsables et maîtres de leur avenir. Pour Maria Nowak (La Croix du 21-22 octobre 2006), c'est "la créativité que rien ne peut abolir" qui crée le développement économique. Et de raconter comment au Bengladesh, des paysans ont eu l'idée de planter leurs semis sur d'immenses radeaux couverts de terre et ainsi éviter la dévastatrice innondation. Ou le bosniaque passionné de poissons rouges se lançant dans un élevage de poissons rouges devenus depuis symbole de paix, parce que "quand on peut s'acheter un poisson rouge, c'est qu'on ne devra plus déménager pour cause de guerre".
Et les organisations de micro-crédits se sont multipliées partout dans le monde, y compris dans notre monde occidental. Question : cela ne pouvait-il pas être "inventé" par les institutions bancaires en place ? Définitivement non puisqu'elles ne prêtent qu'aux riches. Et qu'elles s'en vantent. Le micro-crédit est-il une menace pour elles ? Non bien sûr, on en rigole dans les costumes trois pièces. Pour l'instant. Mais le devaient-elles ? Sinon quelles sont leurs compétences ? A quoi bon ces énormes machines qui font de l'argent avec de l'argent ? Est-ce là leur seule raison d'être ?
Autre bonne nouvelle dans le Prix Nobel, Danone se réinvente pour justement s'en tenir à sa mission, "apporter la santé par l'alimentation" (in La Croix du 20 novembre 2006, interview de Franck Riboud). Le micro-crédit finance l'achat d'une vache dont l'usine Danone achète le lait pour produire un yaourt vendu à 6 centimes d'euros par des femmes du voisinage. "Un yaourt c'est 30% des besoins journaliers des enfants en nutriments essentiels". La bonne et belle idée : en temps normal, le marché bengladais aurait été déclaré non rentable pour cause d'absence de pouvoir d'achat. Voilà à quoi on arrive quand on est prisonnier de son modèle économique. Mais en partant de l'objectif d'un yaourt à 6 centimes d'euros, Danone a su construire un modèle qu'il veut rentable à terme. On applaudit des deux mains...
Reste comme toujours qu'il y a au départ de la belle histoire, un fait du hasard. Un jour, l'un de ses dirigeants recommande à Franck Riboud la lecture du livre de Muhammad Yunus. Quelques semaines plus tard, ils déjeunent ensemble... Voilà le talent de Franck Riboud : il est accessible, ouvert, franc. Combien de PDG du CAC 40 reçoivent des recommandations de plaisir de lecture de la part de leurs cadres ?
Pour en finir avec Air France, fallait-il observer guogenard d'abord, préoccupé ensuite et précipité maintenant, le succès permanent de Southwest Airlines qui a inventé le transport aérien lowcost aux USA il y a plus de 35 ans. Air France a "pompé" 5% du modèle Southwest en lançant les navettes il y a dix ans. Cela aurait pu et dû aller beaucoup plus loin.
Je préfère, de loin, rester Platinum Frequent Flyer sur Danone Yaouways !
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