L'un de mes plaisirs alsaciens, outre la torche aux marrons, est la lecture de son excellent quotidien -les DNA-. Outre qu'il est depuis des lustres livré à domicile très très tôt le matin (imaginez le modèle économique qui en découle, abonnements, récurrence et toutim), il est très bon sur le fond avec ses quatres cahiers bien distincts (France-Monde, sports, régionale, locale). Comme un bonheur n'arrive jamais seul, après avoir été un pionnier de la télématique en France, les DNA ont été l'un des premiers quotidiens de France présent sur le web. Bien évidemment un cahier quotidien consacré à l'actu régionale laisse de la place pour traiter tous les jours de l'actu économique régionale. On croit rêver. Bonheur de Noël, je ne sais, toujours est-il que sous le sapin je trouvais le supplément Economie 2007 - TGV l'Alsace accélère. Et là, autre bonne surprise, une interview d'Adrien Zeller avec un titre à faire pâlir (de rage ou de honte ou de jalousie ou je ne sais quoi et d'ailleurs...) un homme politique aquitain "le TGV Est est un vrai succès de l'action politique". Résumé.
Un combat qui a démarré en 1983, par l'étude d'un ingénieur de maintenance de ... IBM (Charles Maetz) qui veut démontrer la rentabilité, donc l'utilité d'un TGV Est Européen alors considéré par le ministre Charles Fiterman (on est en 1982, il est communiste, oui oui ça existait à l'époque) comment non-rentable. Déjà notons un déclic : un député local, Adrien Zeller, UDF, reçoit un inconnu qui lui soumet une étude personnelle, sur un sujet où il n'a pas de compétence. Il l'écoute. Ensuite il convainc une autre figure politique locale, un député RPR, François Grussenmeyer et ils créent l'Association pour la réalisation du TGV Est européen. Ecoutons le miracle : "toutes les collectivités locales ont adhéré" ! S'ensuivent l'adhésion ou le ralliement des voisins lorrains, Metz et Nancy, des CCI de Sarrebrück, de Bâle, de Karlsruhe et des entreprises... Vient ensuite l'intelligence de la négociation avec la SNCF : que veut-on au juste ? Une ligne TGV de bout en bout ou "les trois quarts de quelque chose plutôt que rien du tout" ? Et les élus d'accepter un premier phasage sur la ligne Paris-Strasbourg. Puis un deuxième avec le TGV Rhin-Rhône. Il faudra un autre ministre communiste (là on est en 1997, oui oui ça existait toujours à l'époque) et un arbitrage dû à un Périgourdin à l'époque dircab du Ministre des Finances pour lancer définitivement le projet à 8 milliards de francs. Cash ! Certes, tout n'est pas bouclé pour le dernier tronçon à grande vitesse mais, voilà, le 10 juin prochain, Strasbourg sera à 2 heures 20 minutes de Paris. J'espère que Charles Maetz sera du voyage. Et que Adrien Zeller proposera un siège à Alain Rousset, Alain Juppé, Martin Malvy et Ségolène Royal tout comme à leurs homologues du Pays Basque et de la Navarre.
En ces temps, légitimes, de remise en cause du pouvoir politique, quel que soit sa couleur et son niveau de responsabilité, tirer des leçons (les consultants chers peuvent dire "benchmark", mais c'est pareil) des expériences d'autres régions devrait au minimum interpeller, voire ne donner qu'une envie, faire pareil, exactement pareil, sans perdre de temps à ré-inventer ici ce qui a marché là-bas. Reste un paramètre, qu'il faut bien appeler "culture régionale" existe en Alsace sans similitude avec le Sud Ouest : celui de la capacité à unir des forces, vers un seul objectif, privilégiant le développement économique à tout autre. Je cherche encore à comprendre pourquoi ces chromosomes n'existent pas ici. La lecture de "Psychanalyse de l'Alsace" (Frédéric Hoffet, Editions Alsatia) est toujours riche pour comprendre pourquoi là-bas mais l'équivalent n'existe pas en Sud Ouest.
Bonne année grande vitesse à tous !
PS : dans le même ordre d'idée, le-benchmarking-qui-ne-réinvente-pas-la-roue-qui-roule-déjà-ailleurs, rappelez-moi de vous parler un jour de comment la ville de Strasbourg a diminué de beaucoup le problème des crottes de chien. Edifiant et pourtant simple. By the way, j'adore les chiens.
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