Rafale d'articles et de bouquins : on a trouvé un nouvel épouvantail, c'est Google, ni plus ni moins. C'est Business Week qui a ouvert le bal en avril dernier. The Economist, début septembre et tout un tas d'autres dont le plus mignon est sans doute la une d'Histoire d'Entreprise n°3 qui nous interpelle d'un profond "Google est-il Dieu ?" Même Newzy s'y est collé.
Avouons qu'il est plutôt cocasse de constater qu'un leader absolu sur son marché suscite avant des réponses ordonnées et rationnelles de concurrents enfin remis en selle, un courant de diabolisation/mythification. On l'avait vu avec Microsoft en son temps et avant cela IBM et avant cela sans doute le HAL de Stanley Kubrick ou le Big Brother de Georges Orwell nous avaient montré la voie. On aime se faire peur, c'est bon pour nous. Mais là évidemment, on en trouve tout plein pour nous dire que cette fois, ce n'est pas pareil parce que Google touche à la connaissance, aux savoirs et aux flux financiers qui vont avec. C'est dire l'énormité de la menace. Tout cela me rappelle mes premiers cours de marketing : l'un deux s'appelait "comment battre Procter & Gamble", figurez-vous qu'il y avait plein de faiblesses dans le modèle jusque là surpuissant...
Reprenons calmement quelques faits. Google existe depuis 9 ans, pèse 144 milliards de dollars en capitalisation boursière (BW fait la somme de Time Warner, Viacom, CBS, Publicis -!- et de NY Times : on est toujours derrière Google). Avec un CA estimé à 16 milliards de dollars et 4,3 milliards de profits. Avec une réserve de cash de 11 milliards de dollars, une part de marché de 64% des recherches sur Internet et 400 millions de gens qui se connectent chaque mois en démarrant par Google, j'en aurai fini des chiffres majeurs. Alors qui en veut à Google ? Les networks TV, parce que Google utilise leur contenu sans payer. Les Telcos qui voit Google prospérer grace aux réseaux à haut débit qu'ils ont construit. Microsoft qui ne se réjouit certes pas de l'offre Google Documents et sans doute encore moins de Google Gears (accessible sans connexion Internet). Les démocrates du monde entier n'ont pas apprécié les deals de Google avec la censure chinoise. Avec ce que cela suscite de débats sur le respect de la vie privée dans le monde entier, Google stockant dans ses "fermes de serveurs" toutes les données générées par ses "utilisateurs".
Mais déjà des analystes attendent l'acte 2 de Google, tout en reconnaissant que toutes les étapes précédentes ont été franchies avec succès.
Certes, Google a le potentiel de gouverner l'Internet, en particulier le marché publicitaire mondial. Avec les Adwords, Google a trouvé le Graal que cherchait tous les publicitaires du monde entier, "payer au contact utile". Et donc exit les 50% d'investissements publicitaires qui ne servent à rien dans les médias traditionnels. Mais, franchement pour aussi séduisant que soit l'outil (pas cher, facile, paiement au clic), on attend encore d'en voir une démonstration efficace pour les produits food grand public, pour le B-to-B et pour tous les secteurs d'activité à vente complexe. Certes il impose de revoir le modèle de la relation aux marques --et ce n'est pas Goog qui va y arriver.
Par ailleurs les sources de revenus les plus récurrentes comme YouTube ou Google Earth sont venues d'acquisitions et pas des efforts internes.
L'autre danger qui guette Google est dans ce que The Economist appelle joliment la "calcification" d'une boite aussi cocooneuse soit-elle pour ses employés du Googleplex de Mountain View. De 2 292 salariés en juin 2004, les effectifs sont de 13 786 en juin 2007. Le DRH doit bien s'amuser. Avec les succès financiers sont venus l'arrogance et les premières plaintes devant les tribunaux invoquant la loi anti-trust aux USA. Business Week nous rappelle que lors d'une récente réunion d'analystes, les dirigeants de Google ont mentionné pas moins de 50 fois les termes de "partenaires" et "partenariats". On dirait que la culture de l'accumulation de données au coeur de l'histoire de Google a besoin de relations sociales avec le monde qui l'entoure. Bienvenue dans la complexité humaine.
PS : comme on est dans le complexe, Google est maintenant aussi la 5ième entreprise préférée des jeunes salariés aux USA. Derrière Deloitte, PwC, Ernst&Young et.... IBM. Tous dans la donnée/data/le chiffre d'une manière ou d'une autre. Et juste avant Microsoft.
Vignette à voir on line sur le site de BusinessWeek, signé Sam Weber, belles projections d'un artiste.
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