Entre ceux qui mangent et ceux qui bouffent, vous l'avez compris j'ai choisi mon camp. Pire, je milite pour me sentir moins seul. C'est pour ça que j'ai rejoint Slow Food il y a deux ans, convaincus par les amis Patrick et Ségolène. Des fois, ça donne des moments rares, ineffables disons-le. Comme par exemple le lundi 22 octobre dernier où entre la conférence chez Mollat et le repas dégustation au Bonheur du Palais, on était en pleine expérience d'intelligence magnifiée. Je m'explique.
Le thème choisi et construit patiemment par Ségolène depuis deux ans, "Tradition & Transmission" voulait démontrer que de jeunes vignerons pouvaient poursuivre l'oeuvre des ainés, la recevoir pour la revisiter et finalement l'amplifier. Et pour le démontrer concrètement, joindre la dégustation dans un esprit très très Slow Food de leurs vins aux plats concoctés tout exprès par 4 chefs remarquables. Premier temps chez Mollat dont Ségolène raconte les meilleurs moments sur son blog (allez-y elle écrit remarquablement bien, je ne vais rien rajouter, d'ailleurs comme d'habitude mes pensées un moment se sont égarées en pensant à des figures amies).
Juste pour mémoire, je vous cite les vignerons présents : Florence Lafragette, Château Loudenne en Médoc ; Stéphanie Michaux, Domaine du Clos Roca à Nizas, près de Pézenas ; Benoît Trocard, Domaine Trocard à Artigues ; Cyril Laudet, Château Laballe en Armagnac ; Magali Tissot, remplacée par son compagnon Ludovic Bonnelle, Domaine de Pech en Buzet. Le public était là, recueilli presque pour écouter les témoignages parfois très émouvants des uns et des autres. Je relève que pour tous ceux qui étaient là, la transmission s'est faite de façon très rapide, parfois à cause d'accidents tragiques, parfois après un parcours qui ne les prédestinaient en rien à l'exploitation viticole mais durant lequel une révélation subite, une prise de conscience devient appel du terroir. Celui-ci, irréfragable, les fait tenir debout aujourd'hui. Contre vents et marées : les vents contraires d'une conjoncture détestable depuis 2002-2003 (tiens ils ont tous à peu près commencer au même moment) qui les aguerrit et les durçit. Et contre la marée de la tradition qui voudrait que l'on fasse exactement comme si rien n'avait changé. Et pourtant les uns et les autres y vont de leurs "innovations" : Ludovic fait un blanc agréable comme le Gers sait en faire, Florence est partie pour un rosé très tendance (en Médoc, trop drôle !), Stéphanie a fait son premier rosé cette année mais avec Jean Christophe fait aussi un déroutant vin blanc (voir ici), Ludovic enquille les vins de pays comme d'autres les essais en terre promise sur une appellation tout acquise à la cause coopérative.
Cette intelligence d'une jeunesse qui n'aime pas son métier, non c'est trop faible, mais qui s'en passionne (mais c'est court pour décrire leur énergie, leur foi et leur humilité), nous la retrouvons magnifiée quelques centaines de mètres plus loin au Bonheur du Palais où Tommy et Andy Shan nous recevaient. Au piano les chefs ! Jérôme Héraud a concocté des plats d'inspiration caraïbe en accord avec le Chateau Loudenne. Isabella Losada de Armas a respiré le Domaine du Pech pour nous emmener en Amérique du Sud. Hugo Naon, remplaçant Thierry Marx au pied levé, honorait son Argentine avec le Domaine Laballe et le Clos Roca. Andy Shan mariait Chine de Canton et Pomerol. On a croqué -craqué plutôt- de tout, j'ai manqué des étapes mais pour ce que j'ai pu déguster on était dans le ravissement. J'ai tordu le cou à quelques figures imposées (par exemple l'à Propos du Clos Roca de Stéphanie me semblait tout à fait adapté à la cuisine chinoise d'Andy Shan). Avez-vous jamais été ému aux larmes par une banane flambée ? Moi si. Et si je vous parlais des heures durant du Pastel de choclo nueva onda, vous finiriez par me trouver lassant. Et vous auriez tort parce que c'est mémorable. J'oublie le saumon fumé au thé à l'huile rouge de piment. Ou le petit pavé au noix. Vous voulez des photos ? Allez chez GoT (pour Gastros on Tour !) ou chez Ségolène. Il fallait bien honorer le terroir de Laballe. Un Bas-Armagnac de cette qualité nous a permis de faire le tour de France des zinzins du zinc, de l'agriculture raisonnée et de tout un tas de sujets dont nous avons profité jusqu'à plus soif. Intelligence magnifiée vous disais-je...
Vignette : les chefs, by Ségo.
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