Nouvelle petite conversation entre collègues consultants : chacun dans son domaine est confronté à des demandes très précises de nos clients. Parfois trop. Une véritable "vue de l'esprit". Dans les finances, montrer que cette activité n'est pas pilotée et qu'il convient de l'outiller de tableaux de bord pour in fine l'abandonner. Dans les ressources humaines, que tel dirigeant sous-performe et qu'il convient de le pousser vers la sortie, alors qu'il est à 6 mois de sa retraite. Dans la stratégie, que telle idée de diversification ou d'investissement est créatrice de valeur à court terme et planche de salut à moyen terme. Alors, avec notre éthique en bandoulière, nous menons notre mission et nous trouvons que non, définitivement non, telle n'est pas la "bonne" idée.
Au contraire, l'analyse rationnelle, les faits, la
réalité d'aujourd'hui et celle future que l'on peut tracer à coup de
tendances, de chiffres, de comparaisons (qui ne sont pas raison), nous
rendent à l'évidence : nous sommes devant une fausse bonne idée, une
réelle vue de l'esprit. Hélas pas Saint, mais effet de conceptualisation extrème, nourrie du
paradigme de faire partie de la caste dominante, volonté égotique
forcenée, respect du pouvoir, coalition politique pour soutenir l'idée
du boss ou absence de franchise dans l'énoncé des émotions-intuitions ? Dès lors deux hypothèses. La première : la situation est trop dure, imaginons un avenir plus rose sans tout remettre en cause, propageons notre vue de l'esprit, cela suffira. (Voilà l'autre péché très capital, la paresse).
Deuxième hypothèse : "De toute façon le consultant dira bien haut ce qu'on pense tout bas, il est payé pour ça..." Les vues de l'esprit, ennemies jurées du consultant. Sûr
qu'il serait tellement plus confortable d'aller dans le sens voulu par
le client : voulez-vous que je vous dise ce que vous voulez entendre ?
A ce prix, fort cher, l'épaisseur des moquettes augmente jusqu'à vous
filer un sentiment de roulis lorsque vous les foulez. La hauteur des
honoraires est, je l'ai remarquée, inversement proportionnelle à la
durabilité des recommandations. C'est, entre autres, pour cela qu'ici
"Consulting" s'appelle "Forever". Ca n'a rien de spirituel. C'est éventuellement rock'n'roll. Voire vaguement compétitif.
Vignette : à voir sur http://passurlalune.net/2007/05/19/lincertaine-representation/
la toile : Les Deux mystères, René Magritte, 1966
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